Un ancien poète est attablé à un bar, en compagnie de jeunes poètes...
ANCIEN POETE
C'est Jacques Cégeste. Un poète ! Il a dix-huit ans et on l'adore. La princesse qui l'accompagne commandite la revue où il vient de publier ses premiers poèmes.
ORPHEE (incarné par Jean Marais)
Cette princesse est fort belle, et fort élégante.
ANCIEN POETE
Elle est étrangère et elle ne peut pas se passer de notre milieu. Voilà sa revue.
Il tend à Orphée un album dont toutes les pages sont blanches
ORPHEE
Je ne vois que des pages blanches !
ANCIEN POETE
Cela s'appelle "NUDISME".
ORPHEE
Mais c'est ridicule !
ANCIEN POETE
Moins ridicule que si ces pages étaient couvertes de textes ridicules ! Aucun excès n'est ridicule ! Orphée, votre plus grave défaut est de savoir jusqu'où on peut aller trop loin.
ORPHEE
Le public m'aime !
ANCIEN POETE
Il est bien le seul.
- On est évidemment ici dans un emploi métaphorique du mot nudisme, qui renvoie à une impossibilité du langage écrit, qui ne parvient plus à faire surface.
> Cocteau met l'accent sur la langue ineffable du poète, montrant son inadaptabilité à communiquer dans la langue des simples hommes. Dès la première scène, un ancien poète confie à Orphée : « Je ne suis plus dans la lutte. J'ai cessé d'écrire à vingt ans. Je n'apportais rien de neuf. On respecte mon silence » - comme Rimbaud précédemment, il s'agit de reconnaître ses limites et, à trop chercher du nouveau, on finit par frôler le ridicule. Orphée ne se gêne d'ailleurs pas pour critiquer Cégeste, auteur du provocant Nudisme, qui lui fait de l'ombre. Pour lui, même la provocation doit avoir ses limites. Au contraire de son trop raisonnable prédécesseur, Orphée veut éviter de sombrer dans l'oubli et doit pour ce, recouvrer l'originalité qui fit la gloire passée en renouvelant son répertoire poétique.
Suite du commentaire de C. Nicolas.
